Le Rôle des Benzimidazoles (Fenbendazole et Mébendazole) en Oncologie : Mécanismes, Données Précliniques et Perspectives Cliniques





Introduction 


Le repositionnement de médicaments existants pour le traitement du cancer est un domaine en pleine expansion, offrant une alternative prometteuse face aux coûts exorbitants et aux délais prolongés du développement de nouveaux agents antitumoraux. 

Parmi ces molécules, les benzimidazoles, une classe d’antiparasitaires comprenant le fenbendazole et le mébendazole, ont récemment attiré l’attention en raison de leurs propriétés anticancéreuses démontrées dans des modèles précliniques et des rapports cliniques anecdotiques. 



Cet article explore en détail : 


1. Les mécanismes d’action moléculaires des benzimidazoles contre les cellules cancéreuses. 


2. Les données précliniques issues d’études in vitro et in vivo. 


3. Les cas cliniques et essais en cours. 


4. Les limites et défis de leur utilisation en oncologie.



1. Mécanismes d’Action Anticancéreuse des Benzimidazoles

1.1 Inhibition des Transporteurs de Glucose (GLUT) et Effet Warburg 


Les cellules cancéreuses présentent un métabolisme glycolytique accru, un phénomène connu sous le nom d’effet Warburg. 

Elles surexpriment les transporteurs de glucose (notamment GLUT-1 et GLUT-4) pour assurer leur approvisionnement énergétique.

- Le mébendazole et le fenbendazole inhibent sélectivement ces transporteurs, privant ainsi les cellules tumorales de glucose tout en épargnant les cellules saines (Mukhopadhyay et al., 2002). 


- Cette action est particulièrement intéressante dans les cancers agressifs comme le glioblastome et le cancer du poumon à petites cellules (CPPC), où la dépendance au glucose est extrême. 



1.2 Perturbation de la Dynamique des Microtubules 


Comme les taxanes (paclitaxel, docétaxel), les benzimidazoles bloquent l’assemblage des microtubules, essentiels à la division cellulaire.

- Ils induisent un arrêt du cycle cellulaire en phase G2/M, conduisant à l’apoptose (Bai et al., 2015). 


- Contrairement aux taxanes, ils semblent moins toxiques pour les cellules saines, réduisant ainsi les effets secondaires (Dogra et al., 2018). 



1.3 Induction de l’Apoptose via p53 et Caspases 


- Activation de la protéine p53, un suppresseur de tumeur clé.

 
- Régulation à la hausse des caspases-3 et -9, médiatrices de l’apoptose. 


- Inhibition des protéines anti-apoptotiques (Bcl-2, Bcl-xL). 



1.4 Effet Anti-Angiogénique 


- Réduction de la formation de nouveaux vaisseaux sanguins (VEGF, HIF-1α) dans les tumeurs (Pourgholami et al., 2011). 



1.5 Modulation de l’Immunité et Synergie avec l’Immunothérapie

 
- Potentialisation des inhibiteurs de points de contrôle immunitaires (anti-PD-1/PD-L1). 


- Augmentation de l’infiltration des lymphocytes T dans le microenvironnement tumoral.


2. Données Précliniques : Études In Vitro et In Vivo

2.1 Efficacité dans les Cancers Solides
- Glioblastome : 


- Le mébendazole a amélioré la survie dans des modèles murins, en synergie avec la radiothérapie (Bai et al., 2015). 


- Une étude de l’Université Johns Hopkins a montré une réduction de 50% de la croissance tumorale.

- Cancer du poumon à petites cellules (CPPC) : 


- Le fenbendazole a induit une régression tumorale dans des modèles murins de CPPC métastatique (Dogra et al., 2018).

- Cancer colorectal et pancréatique : 


- Inhibition de la prolifération et réduction des métastases dans des modèles précliniques (Pourgholami et al., 2011). 



2.2 Efficacité dans les Hémopathies Malignes 


- Leucémies et lymphomes : 


- Induction de l’apoptose dans les cellules résistantes aux chimiothérapies conventionnelles.



3. Données Cliniques : Cas Rapportés et Essais en Cours

3.1 Cas Anecdotiques (Joe Tippens et Autres) 


- Joe Tippens : 

Patient atteint d’un CPPC stade IV ayant connu une rémission durable après auto-administration de fenbendazole (2017). Son cas, bien que non validé par un essai clinique, a suscité un intérêt médiatique. 


- Série de Stanford (2021) : 

Trois patients en phase terminale (dont un cancer colorectal métastatique) ont présenté une rémission complète après ajout de fenbendazole à leur traitement. 



3.2 Essais Cliniques en Cours 


- Mébendazole dans le glioblastome pédiatrique (NCT02644291) cf fin de l'article (1). 


- Mébendazole dans le cancer de la prostate résistant à la castration (NCT03925662)
cf fin de l'article (2)


- Combinaisons avec immunothérapie (en phase d’évaluation précoce).



4. Défis et Limites

4.1 Absence d’Essais Randomisés 


- Les données actuelles reposent sur des études précliniques et des cas isolés. 


- Nécessité d’essais de phase II/III pour confirmer l’efficacité. 



4.2 Problématiques Réglementaires 


- Le fenbendazole n’est pas approuvé pour usage humain (utilisé en médecine vétérinaire). 


- Le mébendazole, bien qu’approuvé comme antiparasitaire, n’a pas d’indication officielle en oncologie. 



4.3 Optimisation des Dosages et Schémas Thérapeutiques 


- Les doses efficaces en cancérologie ne sont pas encore standardisées. 


- Risque d’interactions médicamenteuses (notamment avec les chimiothérapies). 



4.4 Résistance Tumorale 


- Certaines cellules cancéreuses pourraient développer des mécanismes d’échappement.



5. Perspectives et Conclusion 


Les benzimidazoles représentent une piste thérapeutique sérieuse en oncologie, soutenue par une solide base pharmacologique. 

Leurs multiples mécanismes d’action, leur faible toxicité et leur coût abordable en font des candidats idéaux pour des études cliniques approfondies.

Cependant, leur utilisation hors AMM doit être encadrée par des oncologues, et des essais contrôlés sont nécessaires pour valider leur efficacité. 

À l’avenir, des combinaisons avec immunothérapies, radiothérapie ou chimiothérapies ciblées pourraient émerger comme stratégies innovantes. 


Sources et essai :

 

1. NCT02644291 - Mébendazole pour le glioblastome pédiatrique

Titre officiel : 
 
"Mebendazole for the Treatment of Pediatric Gliomas"


Phase : Phase I


Statut : Terminé (2019)


Institution : Johns Hopkins University


Objectif : 
 
Évaluer la sécurité et la tolérance du mébendazole à haute dose chez les enfants atteints de gliomes récidivants/refractaires


Résultats clés :

Dose maximale tolérée établie à 200 mg/kg/jour


Profil de sécurité favorable


Certaines réponses tumorales observées

2. NCT03925662 - 
 
Mébendazole pour le cancer de la prostate résistant


Titre complet : 
 
"Mebendazole in Metastatic Castration-Resistant Prostate Cancer"


Phase : Phase II


Statut : Recrutement actif (dernière mise à jour 2023)


Conception : Essai randomisé contre placebo



Schéma posologique : 100 mg 2x/jour en combinaison avec l'hormonothérapie standard


Critères d'évaluation :

Survie sans progression


Taux de réponse PSA


Tolérance à long terme

Pourquoi ces essais spécifiques sont-ils cités ?

Représentativité :

NCT02644291 est le premier essai pédiatrique systématique évaluant les benzimidazoles en oncologie


NCT03925662 illustre l'application aux cancers d'adultes résistants


Preuve de concept :

Ces essais formalisent l'utilisation hors AMM rapportée dans les cas anecdotiques


Ils fournissent des données pharmacocinétiques cruciales


Continuité de recherche :

NCT02644291 a conduit à un essai de phase II (NCT01837862)


NCT03925662 teste une combinaison innovante

Où trouver plus d'informations ?

Pour chaque essai :

ClinicalTrials.gov : Détails complets du protocole


PubMed :
 
 Publications des résultats 
 
(ex. PMID 31562758 pour NCT02644291)


Site des centres investigateurs : Souvent des informations patient-friendly

Limitations à connaître :

NCT02644291 était un petit essai (n=22)


NCT03925662 n'a pas encore publié de résultats finaux


Aucun essai de phase III concluant à ce jour
 
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Remarque importante

Il y a des raisons potentielles pour lesquelles une prudence pourrait être de mise, basées sur leur pharmacocinétique et leur métabolisme, ainsi que sur le contexte de la lithiase biliaire.

Le fenbendazole et le mébendazole appartiennent à la classe des benzimidazoles, des médicaments antiparasitaires qui sont principalement métabolisés par le foie et excrétés via la bile. 

En cas de lithiase biliaire, surtout si elle est associée à une obstruction des voies biliaires (comme une cholécystite ou une cholédoque obstruée), l’excrétion biliaire de ces médicaments pourrait être altérée. 

Cela pourrait théoriquement entraîner une accumulation dans l’organisme, augmentant le risque d’effets secondaires, notamment une toxicité hépatique ou des troubles gastro-intestinaux. 

De plus, les benzimidazoles peuvent parfois causer des effets secondaires comme des douleurs abdominales ou des nausées, qui pourraient être confondus avec ou aggraver les symptômes d’une lithiase biliaire symptomatique, comme une colique hépatique.

Dans la pratique, le fenbendazole est principalement utilisé en médecine vétérinaire et n’est pas approuvé pour un usage humain par les autorités comme la FDA ou l’EMA, ce qui limite les données cliniques sur ses interactions avec des conditions comme la lithiase biliaire chez l’homme. 

Le mébendazole, en revanche, est utilisé chez l’homme pour traiter des infections parasitaires, et sa notice ne mentionne pas explicitement la lithiase biliaire comme une contre-indication absolue.

 Cependant, les prescripteurs pourraient recommander la prudence ou éviter son utilisation si une obstruction biliaire est suspectée, par mesure de précaution.

En résumé, bien qu’il n’y ait pas de preuve directe ou de contre-indication officielle liant spécifiquement le fenbendazole ou le mébendazole à la lithiase biliaire, leur métabolisme hépatique et leur excrétion biliaire pourraient poser un problème en cas de dysfonctionnement des voies biliaires. 

Si vous envisagez leur utilisation dans ce contexte, il est essentiel de consulter un médecin pour évaluer les risques individuels, surtout en présence de symptômes ou de complications liées à la lithiase biliaire.

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Les codes tels que NCT02644291 dans l'article correspondent à des identifiants uniques d'essais cliniques enregistrés dans la base de données internationale ClinicalTrials.gov, gérée par les National Institutes of Health (NIH) américains.

 
Explications détaillées :

NCT = National Clinical Trial

Tous les essais référencés sur ClinicalTrials.gov commencent par "NCT" suivi d’un numéro à 8 chiffres.


À quoi servent ces identifiants ?

Ils permettent de retrouver facilement le protocole, les critères d’inclusion, les résultats préliminaires, et les centres investigateurs.


Exemple : NCT02644291 renvoie à l’essai sur le mébendazole dans les gliomes pédiatriques.


Pourquoi les citer dans un article médical ?

Transparence : Permet aux lecteurs (médecins, chercheurs, patients) de vérifier les sources.


Actualisation : Les essais en cours peuvent publier de nouveaux résultats après la parution de l’article.


Autres bases de données similaires

EU Clinical Trials Register (Europe)


WHO ICTRP (Organisation Mondiale de la Santé)
Exemple concret tiré de l’article :


"Mébendazole dans le glioblastome pédiatrique (NCT02644291)"

 
→ En cherchant ce code sur ClinicalTrials.gov, on découvre qu’il s’agit d’un essai de phase I évaluant la sécurité du mébendazole chez des enfants atteints de tumeurs cérébrales récidivantes.
Comment utiliser ces informations ?

Pour les professionnels de santé : Vérifier le statut de l’essai (recrutement, résultats).


Pour les patients : Identifier des centres proposant des thérapies innovantes.


Pour les chercheurs : Éviter les duplications d’études.

C’est une norme incontournable dans les publications scientifiques modernes pour garantir la traçabilité des données.




Références Clés
- Bai R.-Y., et al. (2015). Cancer Res. 75(22), 4843–4853.
- Dogra N., et al. (2018). Sci Rep. 8, 11926.
- Pourgholami M.H., et al. (2011). J Transl Med. 9, 142.
- Mukhopadhyay T., et al. (2002). Clin Cancer Res. 8(9), 2963–2969.

Cet article ne promeut pas l’automédication. Toute décision thérapeutique doit être discutée avec un médecin.

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